Travail au noir et fraude : des immigrants osent parler…

Travail au noir et fraude : des immigrants osent parler…

Lyes Guerras aime bien les immigrants. Il en est un. Mais les réfugiés ingrats, beaucoup moins. Pourtant, il en voit fréquemment. Arrivé comme touriste en 1980, c’est un véritable coup de cœur qui l’a poussé à s’installer au Québec… une nation qu’il affectionne assez pour dénoncer les profiteurs du système, et ce, même s’ils ont le teint basané comme le sien.

Ingénieur de profession, Lyes Guerras est le propriétaire bien connu d’un restaurant au centre-ville de Drummondville, qui porte son nom. Il est donc bien placé pour savoir s’il y a des gens qui demandent à travailler au noir. Et, selon lui, il y en a. Beaucoup. Surtout chez les réfugiés colombiens qui reçoivent des prestations d’aide sociale.

Au dire de cet Algérien d’origine, cette tendance ne se limite pas à la restauration. Des autobus remplis de «main-d’œuvre bon marché» quitteraient la ville régulièrement pour effectuer du ménage au sein d’entreprises extérieures. Destination? Trois-Rivières, Sherbrooke, Montréal… et même Québec.

Le même phénomène s’observe dans différents secteurs d’activités. «Il y a beaucoup de travail en dessous de la table. Dernièrement, c’est de plus en plus fréquent. C’est très grave! C’est le même problème qu’en Colombie. Ils sont prêts à tout pour ne pas payer de l’impôt», a communiqué un autre immigrant, sous le couvert de l’anonymat.

Quelques agences de placement frauduleuses seraient d’ailleurs actives dans la région afin de recruter des travailleurs au noir, qui gagnent en moyenne 5 $ de l’heure, sans compter leur allocation de la Sécurité du revenu ou de l’assurance-emploi (chômage).

Celui qui, par sécurité, ne veut pas être identifié, est également témoin de vols, dont il a lui-même été victime, et de fausses séparations. «Ils disent qu’ils sont divorcés, mais c’est faux. C’est pour payer moins d’impôt», raconte l’immigrant.

Indépendamment de ce témoignage, M. Guerras rapporte les mêmes faits, et constats. «C’est choquant! On reçoit ces gens-là et ils nous volent. Il faut que le système se réveille… et le système, ils le connaissent mieux que toi et moi», s’exclame-t-il.

… pour se payer des chirurgies esthétiques

Et les abus ne s’arrêtent pas là. Documents de preuve en main, M. Guerras pouvait certifier qu’une de ses connaissances colombiennes avait reçu de l’aide sociale, et ce, même si elle recevait des rentes d’un ancien conjoint.

De plus, un certificat hospitalier témoignait que la personne en question avait récemment séjourné en Colombie… pour une chirurgie plastique. «Et ce n’est pas la seule!», est-il d’avis. «Ces gens reçoivent de l’aide sociale et se payent des vacances en Colombie pour des opérations esthétiques, comme de la liposuccion», s’offusque le restaurateur.

De son côté, l’immigrant n’est pas surpris de telles affirmations, ayant eu vent d’une dizaine de femmes dans cette situation. «Il y en a une qui a travaillé à ramasser des roches tout l’été pour aller en Colombie se faire grossir les seins», laisse-t-il tomber, en guise de non-sens.

Et même en exemptant la cause pour le moins douteuse de leur séjour, M. Guerras se demande pourquoi les réfugiés retournent dans leur pays d’origine. «Ils ont dû fuir parce que leur vie était en danger», s’indigne-t-il.

Dans le milieu, ces agissements font jaser. Certains, parmi le millier de Colombiens désormais installés à Drummondville, questionneraient parfois ces pratiques illégales pour finalement banaliser le tout, devenu pratique courante, de rapporter le dénonciateur.

Que fait le gouvernement?

Déçus de leurs pairs, les deux individus affirment avoir fait plusieurs plaintes, autant au Développement des ressources humaines Canada qu’à la Sécurité de Revenu.

L’Express a cherché à savoir ce qu’il en était advenu, mais tous les dossiers restent confidentiels en fonction de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Néanmoins, la directrice régionale d’Emploi-Québec, Lorraine Saint-Cyr, assure qu’il y a des vérifications à la suite de toutes demandes d’aide de dernier recours. «Il y a des contre-vérifications par association avec d’autres systèmes pour voir si la personne nous a déclaré de bonnes choses. Si elle y a droit, on lui donne», explique-t-elle.

Le traitement est le même pour les Québécois de souche ou les réfugiés. Ces derniers doivent également décrire leurs avoirs, car certains étaient bien nantis dans leur pays d’origine. «On se fie en partie à ce que la personne nous dit. On lui demande ses carnets de caisse», indique Mme Saint-Cyr. Or, il advient que des individus émettent de fausses déclarations, que la population est invitée à dénoncer, le cas échéant. «Quand quelqu’un fait une dénonciation et que le motif est retenu, on fait enquête», communique la directrice régionale. Elle évalue que, depuis avril, environ une centaine d’enquêtes ont été effectuées. Quatre membres du personnel sont attitrés à ces fonctions au Centre-du-Québec.

Selon elle, le nombre de personnes qui fraude à l’aide sociale varie entre 2 % et 3 %, soit la même proportion que les autres organismes publics qui émettent des fonds.

Si les enquêtes sont fructueuses et prouvent les fausses déclarations, Emploi-Québec peut reculer aussi loin que les actes frauduleux ont été commis et réclamer le montant. Toutefois, les suspects sont rarement traduits en justice. «Comme on est une aide de dernier recours, on fait des arrangements pour qu’ils puissent vivre et faire des remboursements chaque mois», nuance Mme Saint-Cyr, qui ne pouvait préciser le nombre d’enquêtes qui visaient les réfugiés dans Drummond. «Si on attrape quelqu’un, ça se parle… le milieu le sait aussi. C’est préventif», spécifie-t-elle.

Quant à savoir si les bénéficiaires ont droit de quitter la région, voire le pays, tout en recevant leurs prestations, Mme Saint-Cyr assure que oui.

La loi de l’aide sociale établit, en fonction de la déclaration émise le premier du mois, si la personne est admissible sur une base mensuelle. «Dans ce mois-là, elle peut faire ce qu’elle veut, mais elle doit prouver de nouveau son admissibilité chaque mois», fait-elle savoir.

Bref, selon l’immigrant qui s’est livré à L’Express, il faudrait qu’un réfugié fasse l’objet d’une peine exemplaire pour faire cesser ce fléau. Il estime également que l’intégration des immigrants passe par le respect des lois. «Je crois que la vraie intégration, c’est de faire toutes les choses bien au Québec», exprime-t-il, avec son joli accent.

BOÎTE INFO :

Pour toute dénonciation :

Centre de communication de la clientèle

1 877 767 8773

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